Les entités que l’on retrouve dans la Doctrine Secrète et le mythe de Cthulhu
Plusieurs concepts et entités de La Doctrine Secrète d’Helena Blavatsky présentent des similitudes frappantes avec les créatures du Mythe de Cthulhu de H.P. Lovecraft. Bien que les intentions et la vision cosmologique des deux œuvres diffèrent (la théosophie cherchant une élévation spirituelle tandis que Lovecraft plonge dans l’horreur cosmique), certaines figures ou principes apparaissent étonnamment proches.
1. Les Mahâtmas et les Grands Anciens
Dans la Doctrine Secrète, Blavatsky évoque l’existence de Mahâtmas ou de Maîtres cosmiques, des entités supérieures qui possèdent une sagesse et un savoir ésotérique dépassant la compréhension humaine. Ces êtres, selon la tradition théosophique, guideraient l’évolution spirituelle de l’humanité.
Lovecraft propose une version plus sombre de ces entités à travers les Grands Anciens, dont Cthulhu est le représentant emblématique. Comme les Mahâtmas, ils possèdent un savoir et un pouvoir immenses, mais, à la différence des Maîtres spirituels de Blavatsky, ils sont indifférents, voire hostiles à l’humanité. Leur existence dépasse l’entendement humain, et ceux qui cherchent à comprendre leurs secrets sombrent souvent dans la folie.
🔹 Similitude : Dans les deux cas, il existe une hiérarchie d’entités supérieures dont la compréhension est réservée à une élite initiée ou à des êtres capables de percevoir les réalités cachées.
🔹 Différence : Dans la théosophie, ces entités sont des guides spirituels bienveillants (du moins dans une certaine mesure), tandis que chez Lovecraft, elles incarnent la menace d’un savoir trop vaste et dangereux pour l’humanité.
2. Les Dhyân Chohans et les Dieux Extérieurs
Blavatsky parle des Dhyân Chohans, des intelligences cosmiques qui président à la création et à l’évolution de l’univers. Ces êtres sont des intermédiaires entre l’absolu divin et les mondes manifestés. Ils façonnent la réalité selon des principes mystérieux et dépassent l’entendement humain.
Dans l’univers lovecraftien, on retrouve un concept similaire avec les Dieux Extérieurs (Outer Gods), tels qu’Azathoth, Yog-Sothoth ou Nyarlathotep. Ces entités existent en dehors du temps et de l’espace et sont responsables de l’existence même du cosmos.
🔹 Similitude : Ces entités représentent des forces primordiales qui régissent l’univers depuis des dimensions supérieures. Elles ne sont ni humaines ni compréhensibles, et elles manipulent la réalité à une échelle cosmique.
🔹 Différence : Dans la Doctrine Secrète, ces êtres sont perçus comme des intelligences structurantes et ordonnatrices, jouant un rôle bénéfique dans l’évolution cosmique. En revanche, chez Lovecraft, les Dieux Extérieurs sont souvent dépeints comme aveugles, chaotiques ou même malveillants. Azathoth, par exemple, est décrit comme une force insensée qui régit l’univers dans un délire cosmique.
3. Les Seigneurs du Feu et les Entités de Feu Lovecraftiennes
Blavatsky mentionne les Seigneurs du Feu, des êtres lumineux qui ont façonné les premiers humains et influencé leur développement spirituel. Ils sont parfois assimilés aux anges ou aux dévas de la tradition hindoue.
Dans l’œuvre de Lovecraft, des créatures ignées et lumineuses apparaissent également, notamment dans des récits comme L’Abomination de Dunwich ou Les Montagnes Hallucinées, où des entités extraterrestres possèdent une aura incandescente et une nature plasmique.
🔹 Similitude : La présence d’êtres faits de feu ou de lumière qui ont un impact sur le développement des créatures terrestres.
🔹 Différence : Blavatsky les associe à un rôle créateur et spirituel, tandis que Lovecraft les inscrit dans un registre d’horreur cosmique où leur lumière est souvent un présage de destruction.
4. L’Atlantide, les Races Disparues et la Cité de R’lyeh
Blavatsky développe dans La Doctrine Secrète l’idée que des civilisations antédiluviennes ont existé avant la nôtre, notamment l’Atlantide et la Lémurie. Ces continents abritaient des êtres aux capacités extraordinaires, qui ont influencé l’humanité avant de disparaître.
De son côté, Lovecraft décrit la ville sous-marine de R’lyeh, où Cthulhu sommeille, ainsi que d’autres civilisations perdues ayant vénéré des créatures extraterrestres. Ces cités, tout comme l’Atlantide de Blavatsky, sont englouties sous les flots et recèlent des secrets interdits.
🔹 Similitude : L’idée de civilisations disparues ayant côtoyé des entités puissantes avant d’être détruites ou de sombrer dans l’oubli.
🔹 Différence : Dans La Doctrine Secrète, ces civilisations ont souvent été initiatrices d’un savoir caché, tandis que dans l’univers lovecraftien, elles sont les vestiges maudits d’un passé dangereux, dont la connaissance est une menace pour la santé mentale des explorateurs.
5. L’Akasha et le Necronomicon
L’Akasha est un concept fondamental de la théosophie : une mémoire universelle où sont enregistrés tous les événements passés, présents et futurs. Ceux qui savent y accéder peuvent obtenir une connaissance infinie et comprendre les cycles cosmiques.
Chez Lovecraft, le Necronomicon est un livre interdit qui renferme des connaissances dépassant l’entendement humain. Il permet d’accéder à des vérités effroyables sur l’univers, mais au prix de la folie.
🔹 Similitude : Les deux concepts évoquent une source de savoir absolu contenant toutes les vérités cachées.
🔹 Différence : L’Akasha est un outil spirituel permettant l’évolution, alors que le Necronomicon est une source de corruption qui conduit ses lecteurs à la folie et au désespoir.
Conclusion : Deux Visions d’un Même Mystère
Si La Doctrine Secrète et le Mythe de Cthulhu semblent diamétralement opposés dans leur finalité (élévation spirituelle vs horreur cosmique), ils partagent néanmoins une vision commune d’un univers peuplé d’entités cosmiques d’une puissance inimaginable.
Les entités de Blavatsky sont perçues comme des guides spirituels ou des architectes cosmiques, tandis que celles de Lovecraft sont des forces aveugles et hostiles qui menacent l’humanité. Pourtant, dans les deux cas, l’homme est confronté à des êtres qui dépassent son entendement et qui régissent le monde à une échelle qui lui échappe.
Finalement, Lovecraft semble avoir inversé les concepts ésotériques de Blavatsky, transformant les esprits illuminés en monstres cauchemardesques, les cycles cosmiques en fatalité et la quête de la connaissance en un chemin vers la folie.
Alors, simple hasard ou influence inconsciente ? Quoi qu’il en soit, cette étrange parenté entre la théosophie et l’horreur cosmique montre que la frontière entre illumination et terreur est parfois plus mince qu’on ne le croit…