L’asile de Bedlam, dont le nom officiel est Bethlem Royal Hospital, est le plus ancien hôpital psychiatrique d’Europe. Fondé en 1247 à Londres par un ordre religieux, il a accueilli pendant des siècles des personnes souffrant de troubles mentaux, souvent dans des conditions inhumaines et dégradantes.

L’origine du mot « bedlam », qui signifie en anglais « désordre » ou « chaos », témoigne de la réputation sinistre de cet établissement, qui a été le théâtre de traitements monstrueux, de moqueries et de curiosité malsaine de la part des visiteurs.

Un lieu de souffrance et de torture

Au XVIIIe siècle, l’asile de Bedlam était dirigé par une dynastie de médecins, les Monros, qui ne croyaient pas que les malades avaient des sentiments ou pouvaient être guéris. Ils leur infligeaient des « thérapies » basées sur la purge, la saignée, le bain froid, le fouet, la camisole de force ou encore la rotation, une machine qui faisait tourner les patients à grande vitesse pour les étourdir.

Ces pratiques barbares étaient censées chasser les mauvais esprits ou rétablir l’équilibre des humeurs, selon la médecine de l’époque. Elles provoquaient souvent des souffrances atroces, des blessures, voire la mort. Selon les statistiques, un patient sur cinq mourait lors de son séjour à l’hôpital entre 1750 et 1780.

Les patients les plus agités étaient attachés et enfermés dans des cellules humides et sombres, où ils étaient exposés aux intempéries, aux rats et aux insectes. Ils étaient nourris de pain et d’eau, et devaient faire leurs besoins sur place. Certains étaient déshabillés et rasés, pour les empêcher de se cacher ou de se blesser.

Un spectacle pour les touristes

L’asile de Bedlam était aussi un lieu de divertissement pour les Londoniens, qui venaient s’y « amuser » en regardant les malades. Moyennant un penny, ils pouvaient entrer dans l’hôpital et se moquer des patients, les provoquer, les insulter, voire les frapper. Certains leur offraient de la nourriture ou des boissons, pour les voir vomir ou se battre.

Cette attraction morbide attirait des milliers de visiteurs par an, surtout le jour de l’An ou pendant les vacances. Parmi eux, on trouvait des aristocrates, des artistes, des écrivains, mais aussi des enfants. Certains visitaient l’asile par curiosité, d’autres par compassion, d’autres encore par superstition ou par peur de devenir fous eux-mêmes.

L’asile de Bedlam a inspiré de nombreux auteurs, comme William Shakespeare, Daniel Defoe, Charles Dickens ou Edgar Allan Poe, qui ont décrit dans leurs œuvres l’horreur et la folie qui régnaient dans cet hôpital. Il a aussi été représenté dans des gravures, des peintures, des films ou des jeux vidéo, comme un symbole de l’enfer sur terre.

Un changement de paradigme

À la fin du XVIIIe siècle, l’asile de Bedlam a commencé à changer de politique, sous la pression de l’opinion publique et de certains réformateurs, comme le médecin français Philippe Pinel, qui prônait un traitement plus humain et plus rationnel des malades mentaux.

L’hôpital a déménagé plusieurs fois, pour offrir des locaux plus spacieux et plus confortables aux patients. Il a aussi abandonné les pratiques violentes et les visites payantes, pour privilégier des méthodes plus douces et plus respectueuses, comme la thérapie occupationnelle, la musique, le jardinage ou le sport.

Aujourd’hui, l’hôpital de Bethlem est situé à Beckenham, dans le sud de Londres. Il fait partie du South London and Maudsley NHS Foundation Trust, un organisme public qui gère plusieurs établissements de santé mentale. Il accueille environ 300 patients, qui bénéficient de soins adaptés et de programmes de réinsertion sociale.

L’asile de Bedlam reste néanmoins dans les mémoires comme un lieu de souffrance et de torture, qui témoigne de l’évolution des conceptions et des pratiques de la psychiatrie au fil des siècles.