Parmi les énigmes criminelles du XXe siècle, certaines dépassent le simple cadre judiciaire pour entrer dans la légende. L’affaire connue sous la question lancinante « Who put Bella in the Wych Elm ? » — « Qui a mis Bella dans l’orme ? » — est de celles-là. Découverte au cœur des Midlands britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a mêlé crime, sorcellerie, espionnage et occultisme dans une affaire toujours irrésolue.
La macabre découverte dans les bois (1943)
Le 18 avril 1943, quatre jeunes garçons se risquent dans une zone interdite des Hagley Woods, près de Birmingham. Ils grimpent à un vieil orme des sorcières (wych elm), dont le tronc creux semble inviter à l’exploration. Mais à l’intérieur, ils tombent sur une vision cauchemardesque : un crâne humain, avec des restes de cheveux et des dents encore en place, fixé dans le bois comme si l’arbre l’avait englouti. Pris de panique, ils jurent de garder le secret.
Ce n’est que plus tard, l’un d’eux parlant à ses parents, que la police est alertée. Les fouilles révèlent alors un squelette presque complet, une chaussure, des fragments de vêtements et, surtout, une main sectionnée retrouvée à proximité, enterrée dans la terre. La scène évoque moins un accident qu’un rituel macabre.
Une victime sans identité
Les experts médico-légaux estiment que la femme, âgée d’environ 35 à 40 ans, mesurait 1,50 m environ. Elle était morte au moins 18 mois auparavant — donc à l’automne 1941, en pleine guerre. La cause probable : asphyxie. Un morceau de tissu avait été enfoncé dans sa bouche, confirmant la thèse de l’homicide.
Mais l’identité de la victime reste insaisissable. On la surnomme bientôt « Bella », par commodité. Les recherches dans les fichiers de disparus ne donnent rien. Aucune famille ne la réclame, et les pistes s’évaporent.
Le graffiti qui relance l’affaire
L’année suivante, en 1944, des mots énigmatiques apparaissent à la craie blanche sur un mur de Birmingham :
« Who put Bella in the Wych Elm ? »
D’autres graffitis du même genre suivront, toujours posant la même question, parfois avec des variantes orthographiques. L’auteur ne sera jamais identifié. Était-ce une plaisanterie macabre ? Ou la voix de quelqu’un connaissant réellement l’affaire ? Ce message, répété à plusieurs reprises, va marquer l’affaire d’une aura surnaturelle.
Les théories : du meurtre ordinaire au rituel occulte
De nombreuses hypothèses ont été avancées :
- Crime ordinaire : Bella aurait pu être une prostituée assassinée, ou une femme adultère éliminée par son amant. Mais aucune enquête locale n’apporta de correspondance claire.
- Espionnage nazi : La guerre ouvre d’autres pistes. Une hypothèse veut que Bella ait été une espionne allemande exécutée après avoir été démasquée. Birmingham était alors un centre stratégique industriel. L’idée d’une espionne étrangère, jetée dans un arbre pour effacer toute trace, a longtemps hanté les débats.
- Sorcellerie et magie noire : Le détail de la main sectionnée a frappé les folkloristes. Certains y ont vu un lien avec la « main de gloire », artefact magique fabriqué à partir de la main d’un pendu, censé apporter pouvoir ou protection aux sorciers. Le choix de l’orme des sorcières n’a fait que renforcer cette interprétation.
Les pistes officielles… et les impasses
Plusieurs suspects furent évoqués, dont un certain « Jack Mossop », qui aurait confié à un ami avoir placé une femme inconsciente dans un arbre sous l’ordre d’un mystérieux « Van Ralt ». Mais l’histoire ne put jamais être vérifiée.
En 1953, la presse relança la piste de l’espionnage, reliant Bella à une chanteuse et espionne néerlandaise disparue, Clara Bauerle. Mais les dates ne correspondaient pas.
À chaque tentative d’explication, de nouvelles zones d’ombre surgissaient. L’affaire, déjà vieille de dix ans, s’était transformée en mythe.
Un mystère qui perdure
Aujourd’hui encore, plus de 80 ans après, la question reste sans réponse. Les os de Bella ont disparu des archives policières dans les années 1950, ce qui empêche tout nouvel examen scientifique. Le mystère se nourrit désormais de cette absence de preuves.
Les graffitis continuent parfois de réapparaître, comme un écho spectral : « Who put Bella in the Wych Elm ? » L’affaire est devenue une légende urbaine, mêlant la réalité d’un meurtre bien réel aux ombres épaisses du folklore, de la guerre et de l’occultisme.
Conclusion
L’histoire de Bella n’est pas seulement celle d’un crime non résolu. Elle illustre la manière dont un fait divers peut, à force de mystères et de symboles, se muer en mythe moderne.
Entre espionne sacrifiée, victime de rituel occulte, ou simple meurtre de guerre oublié, la vérité repose toujours dans le creux d’un arbre de Hagley Woods. Et la question demeure, telle une incantation :
Who put Bella in the Wych Elm ?