Perché sur une colline boisée de Hongrie, le château de Hollókő domine encore fièrement la petite région de Nógrád. Ses murailles noircies par les siècles racontent l’histoire des invasions, des incendies et des reconstructions, mais derrière la pierre demeure une légende tenace : celle d’une sorcière mystérieuse, gardienne autant que menace, qui aurait marqué à jamais l’identité du lieu.
Un château au cœur d’un village de contes
Le village de Hollókő est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ses maisons blanches aux toits de chaume, soigneusement préservées, évoquent un monde figé hors du temps. Pourtant, l’histoire de ce lieu ne se limite pas à son architecture paysanne : elle se nourrit d’un imaginaire où magie et folklore se confondent.
Au centre de ces récits se trouve le château, bâti au XIIIᵉ siècle pour résister aux Mongols. Détruit puis reconstruit, il fut tour à tour forteresse féodale, ruine romantique, puis site touristique. Mais son aura provient surtout d’une légende transmise de génération en génération.
La malédiction de la sorcière
La tradition orale raconte qu’un seigneur cruel fit bâtir le château de Hollókő avec l’aide d’un esprit malin. Pour cela, il aurait passé un pacte avec une vieille femme accusée de sorcellerie. Cette dernière, selon certaines versions, était prisonnière de ses geôles ; selon d’autres, elle vivait recluse dans les forêts environnantes.
En échange de sa liberté ou de sa protection, la sorcière exigea qu’un corbeau – oiseau funeste et familier des sorcières – veille éternellement sur les pierres du château. Le nom même du lieu en garderait la trace : Hollókő signifie « pierre de corbeau » en hongrois. On raconte encore que ces oiseaux, omniprésents autour des remparts, seraient les descendants des créatures invoquées par la sorcière pour protéger son œuvre.
La légende des vierges enlevées
Une autre variante du récit, plus sombre, évoque une vengeance. La sorcière, humiliée par le seigneur local, aurait fait appel aux corbeaux du diable. Chaque nuit, ceux-ci emportaient une pierre de la forteresse pour la reconstruire à leur guise. D’après la légende, ils dérobèrent aussi les jeunes filles du village, les cachant dans les recoins du château en ruines. Ces disparitions furent interprétées comme un châtiment lancé par la vieille femme contre la cruauté et l’arrogance des hommes.
Ainsi, Hollókő devint un lieu maudit, où les villageois n’osaient s’aventurer à la tombée du jour. Les corbeaux, silhouettes noires tournoyant au-dessus des tours, semblaient rappeler l’alliance occulte entre la pierre et l’ombre.
Entre mythe et identité locale
Si la sorcière du château de Hollókő appartient au domaine de la légende, son histoire joue un rôle important dans la mémoire collective hongroise. Elle incarne à la fois la figure redoutée de la femme marginalisée, accusée de manipuler des forces interdites, et celle de la gardienne mystérieuse qui protège son peuple d’une autorité tyrannique.
Aujourd’hui encore, les habitants célèbrent cette part de leur héritage lors de fêtes folkloriques où costumes traditionnels, contes et représentations théâtrales ravivent l’ombre de la vieille ensorceleuse. Le château, restauré, attire chaque année des visiteurs venus chercher la beauté des paysages… et l’écho d’un corbeau qui croasse au détour des murailles.
Une présence qui perdure
La sorcière de Hollókő ne se manifeste pas par des fantômes spectaculaires ni par des apparitions sanglantes. Sa trace réside dans le nom du village, dans le vol des corbeaux et dans la mémoire collective qui a su garder vivante une légende vieille de plusieurs siècles.
Elle nous rappelle que les pierres ne sont pas muettes : elles portent les récits des vainqueurs, mais aussi des figures occultes que l’Histoire officielle tente d’oublier.
Et si, un soir de brume, vous entendez battre des ailes au-dessus du château, ne soyez pas surpris : peut-être est-ce l’écho du pacte jamais rompu entre la pierre de Hollókő et sa sorcière.