Le 7 novembre 1828, le voilier Granicus quitte le port de Liverpool, en Angleterre, avec à son bord 87 personnes, dont 53 immigrants irlandais qui espèrent une vie meilleure au Canada. Le navire transporte aussi des marchandises, comme du sel, du charbon, du fer et du cuivre. Le capitaine, John Scott, est un marin expérimenté qui a déjà effectué plusieurs traversées de l’Atlantique.
Mais le voyage ne se déroule pas comme prévu. Le Granicus rencontre des tempêtes, des vents contraires, des courants marins et des glaces flottantes qui retardent sa progression. Le 10 décembre, le navire est pris dans une violente tempête qui le fait dériver vers l’île d’Anticosti, dans l’estuaire du Saint-Laurent. Le lendemain, le Granicus s’échoue sur des récifs à l’ouest de l’île, près de la baie Fox. Le choc est si violent que le mât se brise et que le navire se remplit d’eau.
Les naufragés tentent de rejoindre la terre ferme à bord des canots de sauvetage, mais la plupart sont engloutis par les vagues. Seuls 16 survivants réussissent à atteindre l’île, dont le capitaine Scott, son épouse, son fils, quatre membres d’équipage et neuf passagers. Ils espèrent être secourus rapidement, mais ils ignorent qu’ils sont sur une île inhabitée, isolée et hostile.
Les survivants sont confrontés au froid, à la faim, à la soif, aux maladies, aux animaux sauvages et au désespoir. Ils n’ont que peu de provisions, pas d’abri, pas d’armes, pas de feu. Ils cherchent en vain des traces de civilisation, mais ils ne trouvent que des forêts, des marécages, des falaises et des plages. Ils sont prisonniers de l’île d’Anticosti, surnommée “l’enfer du golfe” par les navigateurs.
Les jours passent, et les survivants meurent les uns après les autres, de froid, de faim, de maladie ou de blessure. Certains se suicident, d’autres sont tués par des loups ou des ours. Le capitaine Scott, qui a perdu sa femme et son fils, sombre dans la folie. Il se met à croire qu’il est le roi de l’île, et qu’il doit sacrifier les autres pour apaiser les dieux. Il se livre alors à des actes de cannibalisme, en dévorant les cadavres de ses compagnons d’infortune.
En mai 1829, des chasseurs madelinots, attirés par les restes du navire, découvrent la scène macabre. Ils ne trouvent que deux survivants, un matelot et un passager, qui ont réussi à se cacher du capitaine Scott. Les deux rescapés racontent leur calvaire, et accusent le capitaine Scott d’être le responsable du massacre. Les chasseurs capturent le capitaine Scott, qui est devenu fou, et le ramènent à Québec, où il est jugé pour meurtre et cannibalisme. Il est condamné à mort, et pendu le 25 août 1829.
Le naufrage du Granicus est l’un des événements les plus horrifiants et singuliers de l’histoire maritime canadienne. Il a inspiré de nombreux récits, légendes et œuvres littéraires, qui ont contribué à forger le mythe de l’île d’Anticosti. Il a aussi soulevé de nombreuses questions, qui restent sans réponse. Quelles sont les causes exactes du naufrage? Combien de personnes ont réellement survécu? Quel a été le rôle du capitaine Scott dans le drame? A-t-il agi par folie, par nécessité ou par cruauté? Le mystère du Granicus demeure entier, et continue de fasciner les historiens, les écrivains et les aventuriers.