Elle traverse les âges, un pied plus grand que l’autre, foulant les terres chargées d’histoire et de légendes. On la dit reine, sainte, sorcière ou fée. Mais qui était réellement Berthe au Grand Pied? Une souveraine oubliée? Une divinité dissimulée? Ou un mythe façonné pour mieux effrayer les enfants et inspirer les troubadours?
Berthe au Grand Pied, parfois appelée Bertrade de Laon, est une reine légendaire. Épouse de Pépin le Bref et mère de Charlemagne, elle a vécu au début du Moyen Âge. On la mentionne pour la première fois dans des chroniques médiévales, notamment celles d’Eginhard, chroniqueur de Charlemagne.
Bien que les chroniques officielles ne fournissent pas de détails précis à son sujet, les légendes ont laissé une trace singulière d’elle.
Berthe aurait eu un pied plus grand que l’autre, voire difforme, parfois velu, ou même en forme de sabot. Ce pied hors norme devient le symbole d’un mystère plus profond.
Avec le temps, Berthe se transforme en figure légendaire, vénérée dans certaines régions de France comme protectrice des enfants et des fileuses. On la représente en train de filer la laine, le pied nu, le pied « monstrueux » caché sous sa robe. En Bourgogne, en Alsace et dans le Jura, des récits évoquent encore une « Dame Blanche » des veillées d’hiver : une femme noble au pied difforme, mystérieusement bienveillante ou menaçante selon le comportement des enfants…
Selon certains historiens, le mythe de Berthe serait associé à d’anciennes croyances relatives à une divinité chtonienne ou maternelle, intégrée à la tradition chrétienne. Son nom, « Berthe », pourrait dériver de « Berhta », un terme germanique signifiant « brillante » ou « lumineuse ». Elle aurait ainsi été une déesse de la lumière hivernale, protectrice des fileuses, des enfants et des songes.
Une légende rapporte que Berthe était promise à Pépin, mais qu’une servante jalouse aurait pris sa place lors du mariage. Elle n’aurait été retrouvée que plus tard et la supercherie aurait été révélée.
Son pied anormal demeure l’élément central, le stigmate du mystère, le signe de sa nature hybride, humaine et autre. Comme si l’Histoire ne pouvait totalement effacer les anciennes puissances, qui, la nuit venue, se glissent dans les veillées, un pied plus grand que l’autre, pour rappeler aux hommes que tout pouvoir, même royal, s’enracine dans l’invisible.
Certains pensent qu’elle aurait pu avoir une ascendance féérique, à l’instar de certains monarques anciens liés au peuple des fées. Quoi qu’il en soit, son histoire demeure un mystère.