Elizabeth Canning, née le 17 septembre 1734 à Londres et décédée en juin 1773 dans le Connecticut, est une servante anglaise qui a affirmé avoir été enlevée et retenue contre son gré dans un grenier à foin pendant près d’un mois. Elle a finalement été jugée coupable de parjure et condamnée à la déportation pénale. Son cas a divisé l’opinion publique entre les partisans de sa version des faits, les « Canningites », et les partisans de ses accusés, les « Égyptiens ».
Les faits
Le 1er janvier 1753, Elizabeth Canning, qui travaille comme servante chez un marchand de vin, sort de chez son employeur pour rendre visite à des parents. Elle ne revient pas le soir, ni les jours suivants. Sa mère, inquiète, fait des recherches et alerte les autorités, mais sans succès.
Le 29 janvier, Elizabeth Canning réapparaît chez sa mère, dans un état déplorable. Elle est amaigrie, sale, blessée et vêtue d’une robe déchirée. Elle raconte qu’elle a été agressée par deux hommes sur la route, qui l’ont emmenée dans une maison isolée à Enfield Wash, à environ 16 km de Londres. Là, elle aurait été enfermée dans un grenier à foin par une vieille femme nommée Mary Squires, qui lui aurait proposé de devenir prostituée. Devant son refus, Squires lui aurait volé sa robe, son corset et son tablier, et l’aurait laissée sans nourriture ni eau, à l’exception d’un morceau de pain et d’une cruche d’eau qu’une autre femme, Susannah Wells, lui aurait apportés une fois. Elizabeth Canning aurait réussi à s’échapper le 29 janvier, en brisant une fenêtre du grenier et en descendant par une échelle.
Sur la base de son témoignage, le magistrat local émet un mandat d’arrestation contre Susannah Wells, la propriétaire de la maison. Elizabeth Canning se joint à un groupe de voisins et d’amis qui se rendent sur les lieux, où elle identifie Mary Squires comme l’une de ses ravisseurs. Wells et Squires sont arrêtées et emmenées à Londres, où elles sont interrogées par le célèbre magistrat et écrivain Henry Fielding, qui prend parti pour Elizabeth Canning. D’autres arrestations suivent, ainsi que plusieurs dépositions de témoins à charge.
Le procès
Le procès de Wells et Squires a lieu le 21 février 1753 à la Old Bailey, la cour criminelle de Londres. Wells est accusée de complicité d’enlèvement et de séquestration, et Squires de vol, un crime passible de la peine de mort. La défense présente des témoins qui affirment que Squires et sa famille, des nomades appelés « Égyptiens », étaient loin de Londres au moment des faits, et que la robe retrouvée chez Wells appartenait à sa fille. Le juge, Crisp Gascoyne, exprime ses doutes sur la crédibilité d’Elizabeth Canning, qui maintient sa version malgré les contradictions. Le jury délibère pendant plus de deux heures, et rend un verdict de culpabilité pour Wells et Squires. Wells est condamnée à six mois de prison, et Squires à être pendue.
L’enquête du juge
Le juge Gascoyne, mécontent du verdict, entame sa propre enquête. Il rencontre des témoins qui confirment l’alibi de Squires, et interroge plusieurs témoins à charge, dont certains se rétractent ou changent leur déclaration. Il découvre également que le grenier où Elizabeth Canning aurait été enfermée était trop bas pour qu’elle puisse s’y tenir debout, et qu’il n’y avait pas de traces de son passage. Il ordonne l’arrestation d’Elizabeth Canning, qui est alors jugée pour parjure.
Le second procès
Le procès d’Elizabeth Canning a lieu le 29 avril 1754 à la Old Bailey. La défense présente de nouveaux témoins qui soutiennent sa version, dont un médecin qui affirme qu’elle souffrait de famine et de déshydratation. L’accusation, quant à elle, expose les incohérences et les mensonges de son récit, et souligne l’impossibilité matérielle de son évasion. Le jury délibère pendant plus de quatre heures, et rend un verdict de culpabilité pour Elizabeth Canning. Elle est condamnée à un mois de prison et à sept ans de déportation pénale.
Les suites
Mary Squires est graciée par le roi George II, et reçoit une indemnisation de 100 livres. Susannah Wells est libérée après avoir purgé sa peine. Elizabeth Canning est emmenée à bord d’un navire en direction de la Nouvelle-Angleterre, où elle épouse un fermier nommé John Treat. Elle meurt en 1773 à Wethersfield, dans le Connecticut, sans jamais avoir avoué ni renié son histoire.
L’affaire Canning a suscité un vif intérêt du public et des médias, qui ont pris parti pour l’une ou l’autre des parties. Des pamphlets, des caricatures, des chansons et des pièces de théâtre ont été publiés sur le sujet, alimentant la controverse. L’affaire a également soulevé des questions sur la condition des jeunes servantes, exposées aux dangers de la ville et à la tentation de la prostitution. Le mystère de la disparition d’Elizabeth Canning reste irrésolu, et les hypothèses sont nombreuses : a-t-elle été victime d’un autre enlèvement, d’une grossesse cachée, d’une amnésie, d’une hallucination, ou d’une manipulation ? Ou a-t-elle simplement inventé son histoire pour échapper à sa condition misérable ?