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Les Grands Anciens de Lovecraft : entre Mythes Anciens et Doctrine Secrète, l’écho d’un abîme cosmique

Par Nefer · 9 juillet 2025

Dans l’univers tentaculaire de H.P. Lovecraft, les Grands Anciens apparaissent comme des entités venues d’un au-delà indéchiffrable, des puissances cosmologiques dormantes ou actives, qui échappent à la compréhension humaine et menacent la fragile stabilité de notre monde. Pourtant, sous cette couche d’horreur moderne, leurs racines plongent profondément dans le terreau fertile des mythes ancestraux et des traditions ésotériques, notamment la Doctrine Secrète d’Helena Blavatsky, ce monument de la théosophie qui propose une cosmologie riche en symboles et en forces primordiales.

Dans cet article, nous allons explorer ces liens fascinants et troublants, révélant comment Cthulhu, Nyarlathotep, Shub-Niggurath, Yog-Sothoth et Dagon s’inscrivent dans un canevas mythologique et mystique bien plus vaste qu’il n’y paraît.


Cthulhu : le Léviathan cosmique entre océan primordial et dragons antiques

Cthulhu est sans doute le plus célèbre des Grands Anciens : une créature titanesque, une abomination mi-pieuvre, mi-dragon, aux ailes vastes, enfermée dans la cité engloutie de R’lyeh, quelque part dans les profondeurs océaniques. Ce monstre déchaîne la peur ancestrale, celle d’un chaos primordial tapi sous la surface des eaux.

Le parallèle avec le Léviathan biblique est immédiat : ce serpent de mer gigantesque, incarnation du chaos des eaux dans la tradition judéo-chrétienne, représente un ordre naturel renversé, un retour à un état sauvage et destructeur. De même, les dragons, présents en diverses formes dans les mythologies européennes, asiatiques ou mésopotamiennes, symbolisent la puissance brute, la sagesse occulte, mais aussi la menace d’une destruction cataclysmique.

Dans la Doctrine Secrète, Blavatsky parle d’un “océan primordial”, cette mer universelle indifférenciée d’où tout émerge et tout retourne. Cthulhu, gardien endormi de cette mer chaotique, pourrait être interprété comme la personnification de ce principe : une force primordiale, aussi créatrice que destructrice, mystérieuse et indomptable. De plus, les Grands Seigneurs évoqués par Blavatsky – ces intelligences cosmiques veillant sur les lois de l’univers – pourraient, sous une forme dévoyée, se rapprocher de ces Grands Anciens lovecraftiens, des entités puissantes mais indifférentes, voire hostiles à l’humanité.

On sent ici ce double jeu : Cthulhu est à la fois une projection de la peur des profondeurs marines et une incarnation symbolique d’un chaos originel, fondamental et nécessaire, bien au-delà de notre raison.


Nyarlathotep : le dieu polymorphe, maître des illusions et des démons

Nyarlathotep, l’“Ambassadeur des Grands Anciens”, se distingue par sa faculté de changer de forme, d’apparaître sous des visages séduisants, trompeurs, inquiétants. C’est un entité de la ruse, du mensonge, du trouble.

Dans de nombreuses mythologies, on trouve des entités similaires : les djinns arabes, êtres espiègles et parfois malveillants, capables d’illusions puissantes et de manipuler les mortels, ou encore des démons polymorphes issus de traditions variées, symboles de tentation et d’illusion.

Blavatsky évoque aussi dans sa Doctrine Secrète des esprits ou entités déchues, parfois désignés comme des guides trompeurs, jouant avec le destin humain. Nyarlathotep s’inscrit parfaitement dans cette lignée, représentant le principe du “Maya” – l’illusion cosmique qui voile la réalité. Il brouille les pistes, trouble la perception, et incarne cette énergie subtile qui peut séduire ou détruire.


Shub-Niggurath : la fertilité monstrueuse, entre Pan et la Grande Mère sauvage

Surnommée la “Chèvre Noire aux Mille Chevreaux”, Shub-Niggurath est une figure de fertilité à la fois effrayante et fascinante. Elle évoque la pulsion brute de vie et de mort, de création et de dévoration.

Dans les mythes anciens, ce rôle de force fertile sauvage est souvent attribué à des divinités comme Pan, ce dieu grec des bois à la nature bestiale et sexuelle, ou à la Grande Mère, présente dans de nombreuses cultures comme une figure à la fois nourricière et terrifiante. Ces divinités incarnent la nature dans son aspect le plus cru, sauvage et insaisissable.

La Doctrine Secrète met en avant la notion de force vitale primordiale, cette énergie créatrice et destructrice inhérente à la nature et à l’univers. Les rituels de fertilité, l’énergie sexuelle et la célébration des cycles naturels sont des thèmes récurrents, faisant de Shub-Niggurath une expression sombre mais essentielle de ces forces occultes.


Yog-Sothoth : l’Absolu, la connaissance infinie et la traversée des dimensions

Yog-Sothoth est une entité omniprésente, perçue comme une masse d’orbes lumineux, existant à la fois dans toutes les dimensions et à la fois hors du temps et de l’espace. Il incarne la connaissance totale, l’accès aux mystères de l’univers.

Dans plusieurs mythologies, des symboles comme l’Ouroboros – ce serpent qui se mord la queue – ou des divinités serpent ou dragon du monde mésoaméricain, incarnent cette idée d’éternité, de cycle infini, et d’universalité.

Blavatsky décrit l’“Absolu”, un principe cosmique fondamental, source et fin de toute chose. Yog-Sothoth correspond parfaitement à ce concept, incarnant cette intelligence primordiale et omniprésente qui transcende la matière et l’espace, porte ouverte sur les mystères les plus profonds.


Dagon : le dieu marin, reflet des forces aquatiques archaïques

Dagon est un ancien dieu poisson, vénéré par des cultes secrets et lié aux profondeurs marines. Ce dieu évoque à la fois la fertilité et la menace, le mystère de la mer et l’inconnu abyssal.

Des figures semblables existent dans plusieurs mythologies : le Dagon mésopotamien, dieu de la fertilité et de la mer ; Sobek, dieu crocodile égyptien, puissant et sauvage ; ou encore Aegir, dieu viking des tempêtes marines.

La Doctrine Secrète voit dans la mer un symbole de l’inconscient universel, de la force primordiale et de la source de la vie, mais aussi un espace d’inconnu et de danger. Dagon est l’incarnation de cette ambivalence, ce lien charnel et dangereux entre l’homme et la nature sauvage.


Conclusion : un kaléidoscope d’ombres et de lumières

Les Grands Anciens lovecraftiens ne sont pas de simples créatures de fiction, mais les reflets déformés d’archétypes anciens, d’énergies cosmiques et de mystères occultes. La Doctrine Secrète de Blavatsky, avec sa cosmologie riche et complexe, éclaire ces figures sous un jour nouveau, les inscrivant dans un réseau symbolique où s’entrelacent mythe, ésotérisme, et peur viscérale de l’inconnu.

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