L’affaire Nelson Rehmeyer, aussi connue sous le nom de « la sorcellerie de la vallée de York », est l’une des histoires criminelles les plus troublantes et fascinantes de l’histoire américaine. Cette affaire, qui mêle croyances occultes, superstition et meurtre, nous plonge dans les sombres recoins de la Pennsylvanie rurale du début du XXe siècle, où la frontière entre la religion, la sorcellerie et la folie criminelle était parfois floue.
Contexte historique et culturel
Dans les années 1920, la vallée de York, en Pennsylvanie, était une région principalement peuplée de descendants d’immigrants allemands. Ces communautés conservaient des croyances traditionnelles et des pratiques mystiques appelées « powwowing ». Le powwowing, ou « hexerie », était un mélange de médecine populaire, de rituels religieux et de pratiques magiques, héritées des traditions germaniques. Bien que ces pratiques aient souvent été bénignes et axées sur la guérison, elles pouvaient parfois glisser vers des superstitions plus sombres et des craintes irrationnelles.
Nelson Rehmeyer : l’homme et le guérisseur
Nelson Rehmeyer était un fermier et praticien du powwow respecté dans sa communauté. Il vivait seul dans une ferme isolée, connue sous le nom de « Rehmeyer’s Hollow », au cœur de la vallée de York. Rehmeyer, âgé d’une soixantaine d’années, avait une réputation de sage, quelqu’un vers qui l’on se tournait pour obtenir des remèdes et des conseils spirituels. Il possédait également un vieux livre de sorts, que beaucoup considéraient comme un puissant artefact magique.
Cependant, comme c’est souvent le cas dans les communautés où les croyances occultes sont prises au sérieux, la réputation de Rehmeyer attira aussi la méfiance. Certains le considéraient non pas comme un guérisseur, mais comme un sorcier maléfique capable de jeter des malédictions.
Le déclencheur : John Blymire et sa descente dans la paranoïa
L’histoire prend un tournant dramatique avec l’introduction de John Blymire, un autre praticien du powwow, mais bien moins expérimenté et, surtout, en proie à de graves troubles psychologiques. Blymire était convaincu qu’il était la victime d’une malédiction qui lui causait malheurs et maladies. Sa vie était marquée par des échecs personnels et professionnels, qu’il attribuait non à sa propre condition, mais à une force malveillante extérieure.
Cherchant désespérément à briser ce qu’il croyait être une malédiction, Blymire consulta plusieurs praticiens du powwow, qui lui confirmèrent ses craintes : il était en effet « hexé ». Pire encore, ils identifièrent Nelson Rehmeyer comme le responsable de cette malédiction.
Blymire, déjà psychologiquement fragile, devint obsédé par l’idée de neutraliser Rehmeyer pour lever la malédiction. Selon ses croyances, pour se débarrasser du sort, il devait récupérer le « Long Lost Friend », le fameux livre de sorts de Rehmeyer, et brûler une mèche de cheveux de ce dernier.
Le meurtre de Nelson Rehmeyer
Le 27 novembre 1928, John Blymire, accompagné de deux jeunes hommes, John Curry, 14 ans, et Wilbert Hess, 18 ans, se rendit à la ferme de Rehmeyer avec l’intention de mettre fin à la malédiction. Ils espéraient que Rehmeyer leur remettrait le livre de bonne grâce, mais la situation dégénéra rapidement.
Lorsqu’ils confrontèrent Rehmeyer, celui-ci refusa de leur donner ce qu’ils cherchaient. Pris de panique et de rage, les trois hommes se ruèrent sur le vieil homme. Une lutte violente s’ensuivit, au cours de laquelle Rehmeyer fut battu à mort. Dans une tentative de dissimuler leur crime, ils essayèrent de brûler la maison, mais celle-ci ne prit feu que partiellement.
Les trois hommes quittèrent la scène, convaincus d’avoir levé la malédiction. Cependant, le meurtre de Rehmeyer ne tarda pas à attirer l’attention des autorités.
Le procès et les conséquences
Le meurtre de Nelson Rehmeyer fut rapidement découvert, et les trois hommes furent arrêtés. Le procès, qui suivit, attira une attention considérable, non seulement à cause de la brutalité du crime, mais aussi en raison des éléments occultes qui entouraient l’affaire. Le tribunal fut confronté à une situation où la superstition et les croyances magiques étaient au centre du mobile du crime.
Les avocats de la défense plaidèrent que leurs clients avaient agi sous l’influence d’une croyance sincère en la sorcellerie, mais cela n’empêcha pas le jury de rendre un verdict de culpabilité. John Blymire, John Curry et Wilbert Hess furent tous reconnus coupables de meurtre au deuxième degré et condamnés à des peines de prison.
Héritage et symbolisme de l’affaire
L’affaire Nelson Rehmeyer est souvent perçue comme un exemple des dangers de la superstition et de l’ignorance dans une société. Elle montre comment des croyances profondément enracinées peuvent conduire à des actes de violence, surtout lorsque ces croyances sont combinées avec la peur et la maladie mentale.
Aujourd’hui, la maison de Rehmeyer, où le meurtre a eu lieu, est devenue une sorte de site historique local, souvent visité par ceux intéressés par le paranormal et les mystères. La maison est réputée pour être hantée, ce qui ajoute une couche supplémentaire de mystère à cette affaire déjà macabre.
L’affaire Nelson Rehmeyer reste un exemple tragique de la façon dont la peur de l’inconnu et la croyance en des forces occultes peuvent entraîner des conséquences tragiques. Elle nous rappelle également que, même dans des sociétés modernes, les ombres de la superstition et de la croyance en la sorcellerie peuvent encore s’étendre et influencer les actions des hommes.