Selon la tradition apocryphe (2 Maccabées 2:4–5), le prophète Jérémie aurait transporté l’Arche d’Alliance dans une grotte secrète du mont Nébo avant la conquête babylonienne, puis en aurait comblé l’entrée. Cette légende a inspiré au XXᵉ siècle plusieurs aventuriers religieux. Le plus connu est Antonia Frederick Futterer (1871–1951), prédicateur évangélique d’origine australienne. Après une guérison miraculeuse d’une appendicite dans les années 1890, Futterer fit vœu de se consacrer à l’enseignement de la Bible. Il mit au point un « Eye-Ographic Bible Course » visuel et fonda en 1924 la Holyland Bible Knowledge Society à Los Angeles pour offrir des cours bibliques à toutes les confessions. Parallèlement, il constitua une collection d’objets bibliques et exotiques, qu’il exposa dans ce qui devint le Holyland Exhibition (musée Holyland) au cœur de Los Angeles. Ce musée d’archéologie biblique – un des plus anciens encore ouverts – recèle des antiquités du Proche-Orient (lampes mésopotamiennes, sarcophages pharaoniques, bijoux anciens, mobilier incrusté, etc.). Futterer écrivit aussi un guide illustré de pèlerinage intitulé Palestine Speaks (1931).
Les expéditions de Futterer au mont Nébo
Futterer fut convaincu que l’Arche avait été cachée sur le mont Nébo plutôt que détruite lors de la prise de Jérusalem. De 1926 à 1928, il entreprit plusieurs voyages en Terre Sainte, scrutant particulièrement le pic de Nébo (Jordanie) et son voisin le mont Pisgah. Avec l’aide des tribus locales et sous la protection d’un cheikh, il signa même un pacte d’entraide avec les Bédouins du mont Nébo (scellant l’union par le mot « wahad », “nous sommes un”).
Futterer explora le sommet et les pentes de Nébo à la recherche de cavernes. Il décrivit notamment avoir découvert, à quelques pas du sommet, l’entrée d’une grotte dont le seuil avait été bouché par des pierres – « exactement comme disait Jérémie ». Selon ses notes, il copia sur le mur bloquant l’accès une inscription gravée. Après traduction à l’Université hébraïque, cette inscription aurait signifié « Voici l’Arche dorée de l’Alliance ». En réalité, ni l’inscription originelle ni sa traduction n’ont jamais été publiées.
Futterer rapporta également avoir inspecté la grotte bloquée à l’aide de lampes et d’une corde, découvrant des parois ornées de pétroglyphes pré-chrétiens. Les autorités ottomanes puis mandataires refusaient tout creusement sur le site, et Futterer dut s’en contenter. Il repartit sans sortir d’artefact de la grotte, acceptant humblement que « ce n’était pas le moment de trouver l’Arche ». Ses croquis de l’entrée murée et de l’inscription restèrent toutefois en possession de l’un de ses disciples, le pasteur Clinton Locy.
Un prédicateur devenu explorateur religieux
Né en Australie d’un père catholique allemand et d’une mère danoise protestante, Futterer abandonna l’école très jeune et connut la ruée vers l’or du Kalgoorlie dans les années 1890. Après sa conversion, il parcourut les États-Unis comme prédicateur itinérant, établissant en Californie, en 1924, la Bible Knowledge Society près de l’Angelus Temple d’Aimee Semple McPherson. Son approche non confessionnelle (cours ouverts aux non-chrétiens) et son « Eye-Ographic Bible Course » multimédia lui valurent une certaine renommée.
Il mit en scène ses trouvailles lors du Holyland Exhibition, où il exposait mobiliers et antiquités levantines dans cinq pièces de son domicile devenu musée. Futterer n’était cependant pas un archéologue académique : ses travaux restaient plus proches de l’exploration aventureuse que de la fouille scientifique. Il publia ses récits dans divers bulletins et dans Palestine Speaks, se présentant comme « explorateur du mont Nébo et de la recherche de l’Arche ». Il se retira ensuite à Chypre, où il mourut en 1951. Son musée subsiste encore aujourd’hui à Los Angeles.
Tom Crotser et la redécouverte de l’Arche (1981)
Tom Crotser est un Américain évangélique né dans les années 1940, chef d’une petite communauté religieuse à Winfield (Kansas). Il dirigeait l’Institute for Restoring History International, persuadé que l’Arche était enfouie au mont Pisgah. En 1981, à partir des croquis de Futterer transmis par Clinton Locy, Crotser organisa une expédition clandestine de quatre jours sur le site.
Durant la troisième nuit, il découvrit une cavité recouverte de tôles et y pénétra avec son équipe. Après avoir creusé un passage, il déclara avoir atteint une salle souterraine contenant un coffre doré mesurant 62,5 x 37,5 x 37,5 pouces – soit exactement les dimensions bibliques de l’Arche d’Alliance. Il déclara y avoir vu deux perches, des restes de chérubins en gaze, mais n’ouvrit pas l’objet par crainte religieuse. Il affirma avoir pris deux photos du coffre, dont une nette.
De retour aux États-Unis, Crotser refusa de montrer les images à la presse ou aux chercheurs, annonçant qu’elles étaient destinées à un « descendant de Jésus vivant à Londres ». Il donna toutefois quelques conférences publiques, montrant un unique cliché, peu convaincant.
Les liens entre Futterer et Crotser
Crotser s’appuya directement sur les documents de Futterer pour localiser l’entrée présumée du tunnel. Il se décrivit lui-même comme le successeur spirituel de Futterer. Le croquis transmis par Locy fut sa seule carte. Le lien est donc direct : sans la mission de Futterer, l’expédition de 1981 n’aurait probablement pas eu lieu.
Réactions et critiques
La communauté archéologique ne reconnut aucune valeur aux affirmations de Crotser. Le professeur Siegfried H. Horn, archéologue réputé, examina les clichés et déclara que le coffre photographié comportait un clou moderne et semblait être une fabrication contemporaine. Les autorités jordaniennes furent furieuses de cette intrusion illégale, au point d’annuler une mission archéologique américaine prévue en 1982.
Les milieux religieux institutionnels (juifs, catholiques, orthodoxes) ne réagirent pas officiellement à cette affaire. Seuls certains cercles évangéliques marginaux virent dans la découverte une preuve du retour imminent du Christ. Le site évangélique GotQuestions déclara que Crotser, comme Ron Wyatt, ne disposait d’aucune preuve vérifiable et ne méritait aucune crédibilité.
Analyse critique
Futterer était un homme de foi, dont les recherches se fondaient sur une lecture littérale des Écritures. Sa démarche n’avait rien de scientifique, mais elle inspira des générations de croyants. Crotser, en reprenant sa piste, adopta une méthode tout aussi subjective. L’absence de fouille autorisée, d’équipe pluridisciplinaire et de documentation vérifiable rend leur aventure inacceptable du point de vue académique.
Les éléments avancés (photos, témoignages, mesures) ne sont ni datés, ni expertisés, ni présentés à la communauté scientifique. L’objet vu dans la salle souterraine pourrait aussi bien être un coffre moderne déposé là. En définitive, l’affaire n’a débouché sur aucun artefact, aucun document authentifié, aucun rapport.
Héritage
Les noms de Futterer et Crotser sont parfois évoqués dans les cercles pseudo-archéologiques. Leur quête illustre le désir d’une partie du public de voir les textes religieux validés par l’archéologie. Mais pour les historiens, l’épisode reste anecdotique et sans fondement tangible. L’Arche d’Alliance, si elle a jamais existé, demeure introuvable.
Annexe – Sources documentaires principales
- Biblical Archaeology Review, vol. 9 (1983), article sur Tom Crotser et l’Arche.
- Holyland Exhibition – historique officiel et récits de Futterer.
- “Palestine Speaks” (A. F. Futterer, 1931).
- Interviews de Clinton Locy (pasteur détenteur des croquis).
- Témoignages et publications de Tom Crotser.
- UPI News Report, 20 novembre 1981.
- GotQuestions.org – Analyse critique sur Crotser et Ron Wyatt.
- Encyclopædia Britannica – entrée sur l’Arche d’Alliance.
- Archives Los Angeles Times, 2001.
- Rapport de Siegfried H. Horn (1983) sur les photographies de Crotser.
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