San Francisco. South of Market Street.
Au sommet d’un banal immeuble gris, le 611 Folsom Street, se cache ce que beaucoup considèrent comme un mythe moderne, un point névralgique du contrôle numérique américain : la salle 641A.
Depuis des années, son nom murmuré évoque un monde d’ombres, de surveillance totale, de câbles sous écoute et de secrets gouvernementaux. Mais que sait-on vraiment de cette mystérieuse salle ? Est-ce un simple centre technique ou le cœur tentaculaire d’une surveillance de masse orchestrée par la NSA ? L’histoire qui suit flirte dangereusement avec la réalité.
Un bâtiment banal… en apparence
Le 611 Folsom Street est un centre de télécommunications appartenant à AT&T, l’un des plus puissants fournisseurs de téléphonie et d’accès Internet aux États-Unis. Il ne paie pas de mine : béton brut, fenêtres réduites, gardes discrets. Et pourtant, depuis 2003, des rumeurs de plus en plus insistantes prétendent que l’un de ses étages abriterait une salle réservée aux agents de la NSA (National Security Agency), dissimulée sous la désignation anodine de salle 641A.
Cette pièce, selon certains témoignages, aurait été installée dans le plus grand secret, sans que les techniciens classiques d’AT&T n’en connaissent la réelle fonction.
Un ancien technicien brise le silence
L’affaire éclate réellement en 2006, lorsqu’un ancien employé d’AT&T, Mark Klein, prend la parole. À l’époque, il déclare avoir été témoin de l’installation d’un dispositif étrange dans ce fameux bâtiment. Il affirme que des signaux optiques provenant des principaux backbones (les artères principales d’Internet) ont été dupliqués grâce à un dispositif appelé un splitter, redirigeant une copie complète de ces données vers la salle 641A.
En clair, chaque email, appel, recherche, vidéo… transitant par les réseaux d’AT&T pourrait être intercepté et analysé.
Klein remet alors aux journalistes et à l’organisation Electronic Frontier Foundation (EFF) un dossier de plusieurs pages contenant schémas, notes techniques et descriptions du système. Selon lui, cette salle était un point d’accès pour la NSA, dans le cadre du programme de surveillance massive mis en place après les attentats du 11 septembre 2001.
Le programme Room 641A : PRISM avant PRISM ?
Bien avant qu’Edward Snowden ne révèle le programme PRISM en 2013, la salle 641A incarnait déjà cette inquiétante fusion entre entreprises privées et agences gouvernementales. Le modèle est simple, presque cynique : les géants des télécoms collaborent en silence avec l’État, offrant des accès privilégiés aux flux numériques transitant sur leurs infrastructures.
La salle 641A n’est qu’une parmi plusieurs. D’autres pièces similaires existeraient à travers le pays : à Atlanta, Chicago, Los Angeles… Toutes connectées, toutes silencieuses.
Mais ce qui rend celle de San Francisco si emblématique, c’est qu’elle fut la première à être exposée au grand jour.
Une salle fantôme ?
Depuis la révélation de Mark Klein, aucune enquête officielle n’est venue confirmer — ni infirmer — l’existence d’un programme de surveillance opéré depuis cette salle. Le gouvernement américain, fidèle à sa politique du silence, n’a jamais reconnu publiquement les accusations. AT&T, de son côté, n’a apporté aucune réponse précise, se contentant de déclarations vagues sur sa conformité avec la loi.
Aujourd’hui encore, il est impossible pour un journaliste ou un citoyen lambda d’accéder à la salle 641A. Elle demeure une zone interdite, surveillée en permanence, sans plaque ni panneau, comme un trou noir dans l’architecture d’Internet.
Un symbole inquiétant de notre époque
La salle 641A fascine autant qu’elle inquiète. Elle est devenue le symbole d’un monde où la transparence a été troquée contre la sécurité, où la vie privée fond comme neige au soleil face à l’omniprésence des réseaux.
Est-elle réellement opérationnelle ? Ou bien a-t-elle été démontée, remplacée par des installations plus discrètes encore, disséminées à travers le cloud ? Peut-être que la salle 641A n’est qu’un vestige, une première version maladroite d’un système devenu aujourd’hui invisible, dissous dans la fibre et les ondes.
Mais une chose est sûre : le doute est semé, et il ne cessera de grandir à chaque connexion, chaque message, chaque mot tapé sur un clavier.
En résumé
- La salle 641A serait un centre d’interception de données, installé dans les locaux d’AT&T à San Francisco.
- Elle aurait été révélée par Mark Klein, un ancien technicien, en 2006.
- Elle permettrait à la NSA de surveiller le trafic Internet en masse.
- Aucune enquête officielle ne l’a jamais confirmée, mais le doute persiste.
- Elle incarne une ère où la surveillance globale devient réalité.